MacroCosmos novembre-décembre 2024

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2024 S ur cette carte du monde, les points jaunes indiquent l’emplacement des antennes et des réseaux qui ont participé à une ex- périence pilote menée par la collaboration Event Horizon Telescope (EHT). C’est la première fois que la technique d’interfé- rométrie à très longue base, qui relie des télescopes distants de centaines ou de milliers de kilomètres, a été utilisée avec succès pour observer la lumière à une longueur d’onde de 0,87 mm. En observant la lumière à cette plus petite longueur d’onde, les chercheurs de l’EHT ont pu obtenir des observations de plus haute résolution qu’auparavant, sans avoir à former un télescope plus grand. Les détections effectuées ont la plus haute résolution jamais obtenue depuis la surface de la Terre. [ESO/M. Kornmesser] d’utiliser l’ensemble du réseau de l’EHT, ils ont utilisé deux sous-réseaux plus petits, tous deux comprenant ALMA et APEX (Atacama Pathfinder EXperiment) dans le désert d’Ata- cama au Chili. L’Observatoire Euro- péen Austral (ESO) est partenaire d’ALMA et co-héberge et coexploite APEX. Les autres installations utilisées sont le télescope de 30 mètres de l’IRAM en Espagne et le NOrthern Ex- tended Millimeter Array (NOEMA) en France, ainsi que le Greenland Teles- cope et le Submillimeter Array à Ha- wai ʻ i. Lors de cette expérience pilote, la Collaboration a réalisé des observa- tions avec des détails d’une finesse de 19 microarcsecondes, ce qui signifie qu’elle a observé avec la plus haute résolution jamais atteinte depuis la surface de la Terre. Ils n’ont cepen- dant pas encore pu obtenir d’images : bien qu’ils aient détecté de manière significative la lumière de plusieurs galaxies lointaines, ils n’ont pas utilisé suffisamment d’antennes pour pou- voir reconstruire avec précision une image à partir des données. Ce test technique a ouvert une nou- velle fenêtre pour l’étude des trous noirs. Avec le réseau complet, l’EHT a pu voir des détails aussi petits que 13 microarcsecondes, ce qui équivaut à voir un bouchon de bouteille sur la Lune depuis la Terre. Cela signifie qu’à 0,87 mm, ils pourront obtenir des images d’une résolution supé- rieure de 50 % à celle des images de 1,3 mm de M87* et de SgrA* publiées précédemment. En outre, il est possi- ble d’observer des trous noirs plus éloignés, plus petits et moins lumi- neux que les deux trous noirs imagés par la Collaboration jusqu’à présent. Sheperd « Shep » Doeleman, direc- teur fondateur de l’EHT, astrophysi- cien au CfA et codirecteur de l’étude, déclare : « L’observation des change- ments dans le gaz environnant à dif- férentes longueurs d’onde nous ai- dera à résoudre le mystère de l’at- traction et de l’accrétion de la ma- tière par les trous noirs, et de la façon dont ils peuvent lancer de puissants jets sur des distances galactiques » . C’est la première fois que la tech- nique VLBI est utilisée avec succès à la longueur d’onde de 0,87 mm. Bien que la possibilité d’observer le ciel nocturne à 0,87 mm ait existé avant les nouvelles détections, l’utilisation de cette technique à cette longueur d’onde a toujours présenté des diffi- cultés qu’il a fallu du temps et des progrès technologiques pour sur- monter. Par exemple, la vapeur d’eau présente dans l’atmosphère absorbe beaucoup plus les ondes à 0,87 mm qu’à 1,3 mm, ce qui rend plus difficile la réception par les radiotélescopes des signaux émis par les trous noirs à la longueur d’onde la plus courte. En raison de la turbulence atmosphé- rique de plus en plus prononcée et de l’accumulation de bruit à des lon- gueurs d’onde plus courtes, ainsi que de l’incapacité à contrôler les condi- tions météorologiques mondiales pendant les observations sensibles à l’atmosphère, les progrès vers les lon- gueurs d’onde plus courtes pour la VLBI − en particulier celles qui fran- chissent la barrière du régime sub- millimétrique − ont été lents. Mais avec ces nouvelles détections, tout cela a changé. « Ces détections de signaux par VLBI à 0,87 mm sont révolutionnaires car elles ouvrent une nouvelle fenêtre d’observation pour l’étude des trous noirs supermassifs » , déclare Thomas Krichbaum, co-auteur de l’étude à l’Institut Max Planck de radioastro- nomie en Allemagne, une institu- tion qui exploite le télescope APEX en collaboration avec l’ESO. Il ajoute : « À l’avenir, la combinaison des té- lescopes IRAM en Espagne (IRAM- 30m) et en France (NOEMA) avec ALMA et APEX permettra d’imager des émissions encore plus petites et moins lumineuses que ce qui a été possible jusqu’à présent à deux lon- gueurs d’onde, 1,3 mm et 0,87 mm, simultanément. » !

RkJQdWJsaXNoZXIy MjYyMDU=