MacroCosmos mars-avril 2023

47 MARS-AVRIL 2023 I mages du télescope spatial Hubble de deux amas de galaxies mas- sifs nommés MOO J1014+0038 (panneau de gauche) et SPT-CL J2106-5844 (panneau de droite). La couleur bleue artificiellement ajoutée est interprétée à partir des données de Hubble qui ont cap- turé un phénomène appelé lumière intracluster. Cette lueur extrê- mement faible trace une distribution régulière de la lumière des étoiles errantes dispersées dans tout l’amas. Il y a des milliards d’an- nées, les étoiles se sont libérées de leurs galaxies mères et dérivent maintenant dans l’espace intergalactique. [NASA, ESA, STScI, James Jee (Yonsei University). Image processing: Joseph DePasquale (STScI)] d’années-lumière. Ces mesures doi- vent être prises depuis l’espace, car la faible lumière à l’intérieur de l’amas est 10000 fois plus faible que le ciel nocturne vu du sol. L’enquête révèle que la fraction de la lumière à l’intérieur de l’amas par rapport à la lumière totale dans l’amas reste constante en remontant dans le temps jusqu’à des milliards d’années. « Cela signifie que ces étoiles étaient déjà ‘sans abri’ aux premiers stades de la formation des amas » , a déclaré James Jee, de l’Université Yonsei à Séoul, en Corée du Sud. Ses décou- vertes ont été publiées dans le nu- méro du 5 janvier de la revue Nature . Les étoiles peuvent être dispersées en dehors de leur lieu de naissance galactique lorsqu’une galaxie se dé- place à travers du matériel gazeux dans l’espace entre les galaxies, alors qu’elle orbite autour du centre de l’amas. Dans le processus, la traînée pousse le gaz et la poussière hors de la galaxie. Cependant, sur la base de la nouvelle enquête Hubble, Jee ex- clut ce mécanisme comme étant la principale cause de la production d’étoiles au sein de l’amas. En effet, la fraction de « lumière intracluster » augmenterait avec le temps jusqu’à présent si le décapage est l’acteur principal. Mais ce n’est pas le cas dans les nouvelles données de Hubble, qui montrent une fraction constante sur des milliards d’années. « Nous ne sa- vons pas exactement ce qui les a ren- dus apatrides. Les théories actuelles ne peuvent pas expliquer nos décou- vertes, mais d’une manière ou d’une autre, elles ont été produites en grande quantité dans l’univers primi- tif » , a déclaré Jee. « Dans leurs pre- mières années de formation, les ga- laxies étaient peut-être assez petites, perdant assez facilement des étoiles, en raison d’une emprise gravitation- nelle plus faible. » « Être capable de comprendre l’ori- gine des étoiles au sein de l’amas nous aidera à comprendre l’histoire de l’assemblage d’un amas de ga- laxies entier, et ces étoiles peuvent servir de traceurs visibles de la ma- tière noire enveloppant l’amas » , a déclaré Hyungjin Joo, de l’Université Yonsei, premier auteur de l’article scientifique. La matière noire est l’échafaudage invisible de l’univers, qui maintient ensemble les galaxies et les amas de galaxies. Si les étoiles errantes avaient été pro- duites par un “jeu de flipper” relati- vement récent entre galaxies, elles n’auraient pas eu assez de temps pour se disperser dans tout le champ gravitationnel de l’amas et ne trace- raient donc pas la distribution de matière noire de l’amas. Mais si les étoiles sont nées dans les premières années de l’amas, elles se sont com- plètement dispersées dans tout l’amas. Cela permettrait aux astro- nomes d’utiliser les étoiles errantes pour cartographier la distribution de la matière noire dans l’amas. Cette technique est nouvelle et complé- mentaire de la méthode tradition- nelle de cartographie de la matière noire, mesurant comment l’ensem- ble de l’amas déforme la lumière des objets en arrière-plan, en raison d’un phénomène appelé lentille gravita- tionnelle. La lumière intracluster a été détectée pour la première fois dans l’amas de galaxies Coma Berenices en 1951 par Fritz Zwicky, qui a rapporté que l’une de ses découvertes les plus intéres- santes a été l’observation de matière intergalactique brillante et faible dans l’amas. Puisque l’amas Coma, contenant au moins 1000 galaxies, est l’un des amas les plus proches de la Terre (330 millions d’années-lu- mière), Zwicky a pu détecter la lu- mière fantôme même avec un mo- deste télescope de 18 pouces. La capacité et la sensibilité dans le proche infrarouge du télescope spa- tial James Webb étendront considé- rablement la recherche d’étoiles intracluster plus profondément dans l’univers, et devraient donc aider à résoudre le mystère. !