MacroCosmos janvier-février 2023

42 JANVIER-FÉVRIER 2023 ASTRO PUBLISHING Gaia a capturé de minuscules irrégu- larités dans le mouvement de l’étoile causées par la gravité d’un objet massif invisible. Pour explorer le sys- tème plus en détail, El-Badry et son équipe se sont tournés vers l’instru- ment Gemini Multi-Object Spectro- graph sur Gemini North, qui a mesuré la vitesse de l’étoile compa- gnon alors qu’elle orbite autour du trou noir et a fourni des mesures précises de sa pé- riode orbitale. Les obser- vations ultérieures de Gemini ont contribué à affiner le mouvement or- bital, et donc les masses des deux composants du système binaire, permet- tant à l’équipe d’identi- fier le corps central comme un trou noir envi- ron 10 fois plus massif que le Soleil. « Nos observations de suivi avec Gemini ont confirmé au-delà de tout doute raisonnable que le binaire contient une étoile normale et au moins un trou noir dor- mant » , a expliqué El- Badry. « Nous n’avons pas été en mesure de trouver un scénario as- trophysique plausible qui explique l’orbite observée du système qui n’implique pas au moins un trou noir. » L’équipe s’est appuyée non seulement sur les superbes capacités d’observation de Gemini North, mais également sur la capacité de l’instru- ment à fournir des données dans des délais serrés, car l’équipe ne disposait que d’une courte fenêtre pour effec- tuer des observations de suivi. « Lorsque nous avons eu pour la pre- mière fois des indications que le sys- tème contenait un trou noir, nous n’avions qu’une semaine avant que les deux objets soient à une sépara- tion maximale sur leurs orbites. Les mesures à ce stade sont essentielles pour faire des estimations de masse précises dans un système binaire » , a déclaré El-Badry. « La capacité de Ge- mini à fournir rapidement des obser- vations a été essentielle au succès du projet. Si nous avions raté cette fenê- tre étroite, nous aurions dû attendre une autre année. » Les modèles astronomiques actuels de l’évolution des systèmes binaires peinent à expliquer comment la configuration particulière du sys- tème Gaia BH1 a pu survenir. Plus précisément, l’étoile progénitrice qui s’est ensuite transformée dans le trou noir nouvellement découvert aurait été au moins 20 fois plus massive que notre Soleil, ce qui signifie qu’elle n’aurait vécu que quelques millions d’années. Si les deux étoiles s’étaient formées en même temps, cette étoile massive se serait rapidement trans- formée en une supergéante, gon- flant et engloutissant l’autre étoile avant qu’elle n’ait eu le temps de de- venir une étoile à part entière de la séquence principale, qui brûle de l’hydrogène comme notre Soleil. On ignore totalement comment l’étoile de masse solaire aurait pu survivre à cet épisode, se retrouvant comme une étoile apparemment normale, comme l’indiquent les ob- servations du compagnon du trou noir. Les modèles théoriques qui permettent la survie prédisent tous que l’étoile de masse solaire aurait dû se retrouver sur une orbite beau- coup plus étroite que celle réelle- ment observée. Cela pourrait indi- quer qu’il existe des la- cunes importantes dans notre compréhension de la formation et de l’évo- lution des trous noirs dans les binaires, et éga- lement suggérer l’exis- tence d’une population encore inexplorée de trous noirs dormants dans les binaires. « Il est inté- ressant de noter que ce système ne s’intègre pas facilement dans les mo- dèles d’évolution binaire standard » , a conclu El- Badry. « Cela soulève de nombreuses questions sur la façon dont il s’est formé et combien de ces trous noirs dormants pourraient être là-bas. » « Dans le cadre d’un réseau d’obser- vatoires terrestres et spatiaux, Ge- mini North a non seulement fourni des preuves solides du trou noir le plus proche à ce jour, mais aussi du premier système de trous noirs non contaminé, dégagé du gaz chaud habituel interagissant avec le trou noir » , a déclaré Martin Still, respon- sable du programme NSF Gemini. « Bien que cela laisse potentielle- ment présager de futures décou- vertes de la population prédite de trous noirs dormants dans notre ga- laxie, les observations laissent égale- ment un mystère à résoudre : malgré une histoire partagée avec son voi- sin exotique, pourquoi l’étoile com- pagne dans ce système binaire est- elle si normale ? » C ette vidéo résume la découverte du trou noir le plus proche de la Terre. [nternational Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/ AURA/J. Pollard/J. da Silva/Spaceengine/ M. Zamani/ T. Müller (MPIA), Pan-STARRS DR1 (K. C. Chambers et al. 2016), ESA/Gaia/ DPAC (CC BY-SA 3.0 IGO)/ NASA’s Scientific Visualization Studio/ Walt Feimer (HTSI)/ Michael McClare (HTSI)/Dana Berry (Sky- works Digital)/ Michael McClare (HTSI), N. Bartmann] !

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